J’écoute cette chanson. Celle qui raconte notre histoire. Deux guitares et un piano, nous deux réunis au cœur de mes pensées. Il n’y a pas de paroles, juste une mélodie. Les cordes, à l’unisson, sont tour à tour euphoriques, nostalgiques, allègres, mélancoliques. Tu es loin mais je te touche de mon souvenir. La musique m’envahit. Mes yeux se ferment. Mon regard se pose sur toi et nos visages s’illuminent de ton sourire. Je caresse ta fossette de ma bouche et remonte jusqu’à ton oreille. J’y susurre qu’il me manque déjà un peu de toi, tu n’es plus là. Nous n’avons partagé qu’un instant, celui que chante "La grande cascade"1.
La vie nous avait réunis pour mieux nous séparer. Nous l’avions compris avant même de nous rapprocher. J’ai goûté ta bouche, respiré le creux de ton épaule. Tu t’es abandonnée dans la chaleur de mes bras. La douceur de mes caresses contre celle de ta peau. Chacun découvrait l’autre.
La musique me livre ces émotions qui sont aussi les tiennes. Elle me ramène à toi. Je te rejoins quand je le veux. Demain encore, mais jusque quand ? Le temps efface déjà notre moment. L’image devient floue derrière les sentiments. De plus en plus forts. J’avais su ton absence avant même de m’éprendre et je regretterais presque d’être venu jusqu’à toi. Maintenant éloigné, je m’interroge. Notre histoire aura-t-elle le temps de s’écrire ? T’ai-je quittée, hier, il y a deux jours, une semaine, pour ne plus te revoir, jamais ? Nous attendons les réponses. Nous les espérons. Mais notre volonté commune ne pourrait suffire.
(…) Tu as vingt ans, j’en ai quarante. Pourquoi l’âge serait-il un obstacle quand deux personnes veulent s’aimer, vraiment ? (…)
Guitares et piano ne cessent de me répéter que tu existes à présent. J’oublie le reste. Dehors, la pluie tombe dans le froid. La musique me tient chaud. Ta tête sur mon épaule, comme cette unique fois. J’attends de poser mon bras autour de toi, encore. Je te protège et me sens rassuré. J’aventure une main dans ton dos, sur ta peau frissonnante. Bien que l'alchimie opère déjà, tu sais que cette main restera sage, comme tu le désires. C’est pour cela que tu te donnes. Le piano joue et j’explore à nouveau ton image de mon regard intimidant de profondeur. Tu préfères mes mains. Je ressens le bonheur aux contours de ton visage. Je l’y dessine tandis que tes yeux se ferment. Je te donne ma bouche. Euphorie. Nostalgie. Je suis seul, presque triste. Je devrais être heureux, je suis avec toi. Ton souvenir accentue ton absence.
(…)
La nuit vient de tomber. J’ai pris de tes nouvelles. Chez toi aussi la pluie et le froid ont envahi l’extérieur. Tu t’es réfugiée au creux de mes bras. Là même où je t’imaginais. Une première journée vient de nous séparer. Nous sommes encore l’un pour l’autre dans nos souvenirs. J’ai besoin d’un peu plus de réalité. Je pars te retrouver au cœur des songes.
A mon réveil la musique est toujours là. Ma nuit fut trop paisible. J’avais envie de te voir mais tu n’es pas venue. Alors au petit matin je suis allé te chercher. Bien au chaud dans mon lit, je tentais de rêver un nouvel instant à partager. Il n’y en a pas eu. J’ai fini par renoncer. J’aurais alors souhaité que la musique me raconte une autre histoire. Il y a longtemps que je n’ai plus éprouvé l’éternité d’une minute, d’une heure, d’une journée. L’éternité du temps qui me sépare de celle que j'espère redécouvrir, encore et encore. Laisse-moi t’oublier. Je ne veux pas, je ne le peux pas. Tu m’as gagné par ton sourire. Tout mon être est entraîné dans "La grande cascade". La grande cascade de ton souvenir.
1 Musique de René Aubry, extraite de l'album Plaisirs d'Amour
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Ca faisait longtemps que je n'étais pas venu ici. Première nouvelle lue au hasard, une belle surprise! et un beau rêve...
Superbe! Rêvons un peu... " Comme il serait bon d'être aimée par toi "
